« Paris, capitale de la gastronomie », l’exposition à savourer

Pour beaucoup d’étrangers et de Français (un peu par chauvinisme), Paris reste la ville du monde où l’on mange le mieux, malgré certains classements un peu hasardeux et le rayonnement grandissant de New York, Londres ou Tokyo. Ce n’est pas pour rien si l’action du film Ratatouille (2007) s’y déroule. Alors, cliché ou réalité ? La réponse bien documentée se trouve peut-être dans « Paris, capitale de la gastronomie, du Moyen Âge à nos jours », une exposition conçue par le Centre des monuments nationaux à la Conciergerie, anciennement palais de justice et prison de Paris. Et très habilement installée dans la salle des Gens d’armes, qui servait de réfectoire à l’époque médiévale. Elle rassemble une myriade d’archives et de documents qui régalera les fins gourmets : gravures, décors, tableaux, photographies… autant d’œuvres prêtées par la Bibliothèque nationale de France, les musées du Louvre ou Carnavalet et le château de Fontainebleau, auxquelles s’ajoutent des créations audiovisuelles et culinaires contemporaines. 

• Des banquets royaux aux portefaix des halles

Parcourant plusieurs siècles, le parcours propose un voyage dans le temps, du Moyen Âge à nos jours, et débute par une entrée copieuse : le mémorable banquet à la Conciergerie offert par Charles V à l’empereur romain germanique le 6 janvier 1378, en pleine guerre de Cent Ans. Maître cuisinier des rois de France et auteur du fameux Viandier, Taillevent a lui-même concocté ce festin reconstitué en 3D et dont un fragment de la table de marbre noir, sur laquelle il a été servi, retrouve sa place, aux côtés du menu original et d’une sélection de pièces d’art de la table de cette époque. Une fois rassasié, virtuellement, le visiteur fait un bond dans le temps pour arriver dans le ventre de la capitale, au XIXe siècle. En son cœur, les toutes nouvelles grandes halles construites par Victor Baltard surgissent de terre pour nourrir une métropole en pleine mutation. Ses métiers, ses figures, son argot, son atmosphère inspirent un grand nombre d’artistes, jusqu’à leur déménagement à Rungis en 1969. Émile Zola en tire le portrait dans le Ventre de Paris, en 1873, et Robert Doisneau y immortalise des scènes de vie emblématiques. 

• L’invention du restaurant

La troisième section rappelle que le concept du restaurant est une invention parisienne. Les grandes tables, les bistrots, les cabinets particuliers ou encore les bouillons commencent à fleurir aux quatre coins de la ville à partir de la fin du XVIIIe siècle, et connaissent un réel essor au XIXe. Le restaurant devient alors un lieu d’échange et de distraction que s’approprient les artistes en tout genre et notamment « décoratifs ». On peut découvrir la toute première carte de restaurant, celui des frères Véry installé au Palais Royal à la fin des années 1780, ou le cabinet reconstitué du mythique Café Anglais, lieu de débats (et d’ébats) le plus renommé au XIXe siècle, fréquenté notamment par Stendhal, Alfred de Musset et Alexandre Dumas.  

En guise de dessert, le parcours se clôture par les plaisirs sucrés et une pièce maîtresse : la reconstitution du lustre et du buffet espagnol en pain commandés en 1971 par Salvador Dalí à Lionel Poilâne, pour sa femme Gala. En conclusion, l’exposition n’oublie pas que Paris est devenue au fil du temps un carrefour majeur des influences gastronomiques, comme en témoigne le menu du premier restaurant chinois de Paris annoté par Apollinaire, en 1913. Des arts de la table aux gestes culinaires en passant par les marchés et les grandes institutions, « Paris, capitale de la gastronomie, du Moyen Âge à nos jours », exposition aussi didactique que ludique, se révèle parfaitement digeste. 

« Paris, capitale de la gastronomie, du Moyen Âge à nos jours » à la Conciergerie (2, boulevard du Palais, Paris 1er), jusqu’au 10 juillet 2023.  

Commissariat : François-Régis Gaudry, auteur et journaliste gastronomique à France Inter, présentateur et critique gastronomique pour Paris Première dans l’émission « Très Très Bon ». Loïc Bienassis, historien à l’Institut européen de l’histoire et des cultures de l’alimentation (IEHCA/Université de Tours). Stéphane Solier, professeur agrégé de lettres classiques, chercheur en cultures de l’alimentation et auteur culinaire. 

www.paris-conciergerie.fr